Klaus

Beyer







Klaus Beyer est né à Berlin le 8 juillet 1952, dans le quartier populaire de Kreuzberg. Il commence à travailler dans une usine de bougies de la capitale en 1971, et y restera jusqu’en 1997. Pour ses 18 ans, son père lui offre une caméra Super 8. Il réalise ses premiers films de famille à l’occasion d’une visite au zoo de Wannsee. En 1980 il traduit les paroles des Beatles en allemand pour que sa mère puisse les comprendre.

Il est découvert en 1984 par une voisine qui organise la projection de ses films Super 8 dans la salle de concerts et de cinéma alternative Frontkino. Il se retrouve associé aux artistes de la mouvance Geniale Dilletanten, fédérés autour du festival du même nom, et plutôt ancrés dans l’avant-garde et la musique industrielle : l’on y écoute entre autres Die Tödliche Doris, Einstürzende Neubauten ou Frieder Butzmann. En 1985 a lieu son premier concert, et en 1986 ses films sont montrés dans la section cinématographique de la Dokumenta de Kassel. Suite à cela, il fera de nombreuses expositions de ses dessins et peintures dans des galeries, essentiellement à Berlin. En 1993 a lieu une rétrospective cinématographique en son honneur à l’occasion de son 41ème anniversaire dans la salle berlinoise Sputnik, ainsi que l’édition VHS de ses films, qui sortiront plus tard en DVD. Ils seront rendus disponibles lors de ses concerts et sur son site web. En 1994 est fondé le Klaus-Beyer-Fan-Club, dirigé par son ami, le musicien et cinéaste Frank Behnke qui sera désormais son manager. Sa musique commence à être éditée de façon régulière par leur propre label, Amsel Records, en 1995.

Beyer est principalement connu comme interprète des Beatles, dont il enregistre les morceaux au magnétophone pour pouvoir chanter par-dessus en allemand, traduisant lui-même les textes. Il réalise des « remakes » musicaux de leurs albums à partir de 1999, sortant un disque par an sans se soucier particulièrement de la chronologie. Il avait, dès 1987, commencé à adapter leurs disques sous forme de films, ainsi que le disque solo de Paul McCartney Flowers in the Dirt. Les « clips » ou séquences s’y succèdent en suivant l’ordre l’original des morceaux, chacun introduit par un carton bilingue. Il tourne également des films courts non inspirés des Fab Four : il s’agit alors de reprises d’autres artistes (comme Bob Telden ou Scott McKenzie), de nombreuses compositions originales ou, plus rarement, lorsqu’il ne s’agit pas de pièces musicales, d’histoires cocasses dans lesquelles il se met en scène, seul ou avec d’autres acteurs.

Dans son cinéma, tout est fait avec une candeur magnifique et un amateurisme de génie. Homme-enfant par excellence, avec ce que cela comporte de goût pour la métamorphose et le déguisement, ayant aussi un goût prononcé de l’autodérision, sans être pour cela ironique, Klaus Beyer transforme et décline son image de toutes les façons possibles. Son amour du jeu apparaît de façon très évidente dans l’atypique Ich traf ein bezauberndes Mädchen (Sie ist Mein) [J’ai rencontré une fille adorable (Elle est à moi)] de 1984, sorte de comédie musicale romantique coréalisée avec la voisine qui lança sa carrière, Gabi Poschmann, dans laquelle participent six acteurs, dont Beyer et des personnes de sa famille. Il suffit de comparer sa prestation à celle des autres pour voir à quel point il est à la fois fragile et assuré, se donnant tout entier à sa passion interprétative. Il n’est donc pas étrange qu’en plus de s’autoreprésenter dans la quasi totalité de ses films, il apparaisse aussi comme acteur chez les autres, notamment dans les courts et longs métrages à tendance expérimentale de Matl Findel, Georg Maas et Christoph Schlingensief, et qu’il joue également sur les planches en 1999 dans la pièce de ce dernier, Deutschlanduche.

Ses films, notamment ses films musicaux, qui représentent la majorité de sa production, comportent trois grandes catégories d’images : les prises de vues de Klaus chantant en playback, la plupart vraisemblablement filmées chez lui, souvent avec un éclairage assez cru qui projette derrière lui une ombre démesurée, mais parfois aussi en extérieur ; les images télévisuelles refilmées ; les séquences graphiques : animation en stop-motion à partir de papier découpés, ou encore des séquences fixes de dessins ou de photos.

Die Wiesse Album (1989-91), qui reprend le double album des Beatles, est son film le plus long et peut-être le meilleur. Il répond à l’éclectisme musical de l’album blanc par les nombreux styles et procédés visuels employés. Le jeu qu’il établit avec sa propre image, non seulement incarnant à lui seul les quatre Beatles, mais se déployant sous de nombreux avatars, déguisements et supports (photos découpées et animées, images d’images, etc.), devient parfois vertigineux. Ainsi dans Der Blues, l’on assiste à un curieux effet de dédoublement, lorsque, après avoir vu dans les trois premiers quarts de la chanson un concert de Beyer refilmé sur un écran télé, un zoom arrière nous le montre bord-cadre, à côté du téléviseur, en train de gesticuler en même temps que son double cathodique, et qu’en plus de cela son reflet apparaît sur le poste. La séquence se conclut par une image troublante de solitude : la chambre et la caméra se reflètent un instant sur l’écran après l’extinction de l’image. Beyer est partout et nulle part à la fois. Il est tantôt cowboy (Rocky Racoon) tantôt cosaque (Back from the USSR), tantôt ombre et tantôt silhouette ou reflet déformé (Wilde Honey Pie). Dans Lang Lang Lang, il essaie de recomposer un puzzle à son effigie. Cette omniprésence de sa figure, et son éclatement formel, dessinent un véritable univers mental, qui produit une singularité totale à travers la reprise de ces musiques faisant partie de notre imaginaire collectif. Le plus ambitieux de ces « clips » est Revolution 9, où Beyer s’écarte du fameux morceau de musique concrète, que l’on n’entendra pas. Il cherche plutôt à en donner l’équivalent audiovisuel, réalisant ainsi un véritable film expérimental de 13 minutes qui se présente comme un collage d’étranges scènes quotidiennes, d’images télévisuelles manipulées, jouant sur l’abstraction visuelle et sonore (bruits de la rue, récitation de textes sur la liberté et l’indépendance, cris de vendeurs à la sauvette, fragments de musique classique), et sur des effets d’inversion et de manipulation temporelle.

Das gelbe Unterwasserboot / Yellow Submarine (1996), auquel il travaille aussi pendant deux ans, est un film d’une quarantaine de minutes qui reprend les titres de l’album plus que l’intrigue du long métrage de George Dunning. Il s’agit d’une œuvre essentiellement graphique, composée la plupart du temps d’images fixes (dessins ou photos coloriées) ou de séquences animées selon l’habituelle technique des papiers découpés – en plus de quelques prises de vues de Klaus et de sa famille. Le film se termine par une longue séquence animée de près de vingt minutes accompagnée de la musique instrumentale de Yellow Submarine, course-poursuite d’une lenteur hypnotique entre le sous-marin jaune et ses assaillants.

Après avoir été un inconditionnel du Super 8 pendant deux décennies, Beyer passe à la vidéo à partir des années 2000, en employant encore occasionnellement le support analogique, par exemple pour ses films de voyage américains San Francisco et L.A. (2007). Dans ses vidéos les plus récentes diffusées sur sa chaîne YouTube, Euro und Becher [Euro et mug]Arbeitssuche [Recherche d’emploi], toutes deux de 2014, et dans Parkbank[Banc de parc] (2015), Beyer revient à la pratique du sketch humoristique, auquel il s’était déjà essayé avec succès à ses débuts (voir par exemple Im Aufnahmestudio [Dans le studio d’enregistrement], 1981). Il s’y met en scène en personnage excentrique et décalé dans des situations quotidiennes, non plus déguisé et jouant à l’autre, mais incarnant probablement le personnage le plus proche de sa vraie personne : un bègue cherchant un emploi (Beyer se trouve effectivement au chômage depuis la délocalisation de son usine en 1997), un magicien improvisant un tour approximatif dans sa cuisine, un homme assis sur le banc d’un parc faisant semblant d’avoir des puces pour pouvoir s’y allonger à son aise.

Boris Monneau, 2020





« Oubliez Wenders, Buck et Wortmann. Klaus Beyer est l'avenir du film d'auteur. »
Der Tagesspiegel, à l’occasion de la projection de Yellow Submarine au cinéma Sputnik, 1996.




« C’est plus qu’une passion, c’est le travail de ma vie. (…) Les chansons sont vraiment mes propres créations. »
Klaus Beyer, dans un entretien avec David Crossland pour The National, 2011.



« J'écris sur ce qui m’arrive, par exemple quand je rencontre quelqu'un ou sur l'argent et ce que c'est quand vous avez besoin d'argent et que vous n'avez pas d'argent. Habituellement, le texte vient en premier, puis je pianote sur mon petit clavier et c'est ainsi que la musique se crée. Un petit air pour correspondre à la chanson, je la chante, et la chanson est terminée. Mais parfois, c'est l'inverse. »  (...) 
« J'ai essayé d'enthousiasmer certains de mes amis, mais ils n'avaient pas le temps et je n'avais pas d'autre choix que de le faire seul. »
Klaus Beyer, dans un entretien avec Jacek Slaski pour Tip Berlin, 2014.











films
comme réalisateur
(en gras = disponibles en ligne)

Im Zoo / In the Zoo, Dampferfahrt / Steamboat Ride, etc. (premiers films de famille de Beyer), 1978

Ein Griff nach links, ein Griff nach rechts / One Turn to the Left, One Turn to the Right, 1980

Im Aufnahmestudio / In the Recording Studio, 1981, 6min

Die Glatze / The Baldhead, 1982, 1min

Der Cowboy, 1982

Klaus Beyer präsentiert / Klaus Beyer Presents, 1983, 3min

Sieh dir mal den Hamster an / Look at the Hamster, 1983, 2min

Kreuzberger Frauen sind lang / Kreuzberg Women are Tall, 1983

Beim Arzt / At the Doctor, 1983

Trink erstmal ´nen Schnaps / Drink a Schnapps First, 1983, 5min

Ich traf ein bezauberndes Mädchen (Sie ist Mein) / I Met an Adorable Girl (She is Mine), 1984, 10min

Naturgetreu / True to Life, 1984, 2min

Fleckenstift Eukrasit / Eukrasite Stain-Removing Stick, 1984

Heleidiho, 1984

Die zwei flinken Flöhe / The Two Nimble Fleas, 1984, 2min

Die Personen im Durchschnitt / The Average People, 1984, 4min

Alles geht einmal zu ende / Everything Comes to an End, 1984, 3min

Wer dreimal lügt / One Who Lies Three Times, 1985

Smily,1985, 3 min

Unser deutscher Wald / Our German Forest, 1985

Hipp Hipp Baby, ca. 1985, 2 min

Im Restaurant / In the Restaurant, 1986

Sieben weiße Rosen / Seven White Roses, 1986, 3min

Happy People, 1986, 2min

Versprechen für mich / Promise for Me, 1986

Bank, 1986

Oma hört Heintje / Grandma Hears Heintje, 1987

Hamster im Glas / Hamster in the Glass, 1987

Hauptmann Pfeffer's einsamer Herzenklub / Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, 1987, 40min

Die rätselhaft magische Tour / The Magical Mystery Tour, 1988

Straßenraub / Street Robbery, 1989, 1min

Oh Diane, 1990, 2min

Das weiße album/ The White Album, 1989-91, 90min

Blumen auf dem Müll / Flowers in the Dirt, 1993

Wallfhart / Rouge Ride, 1994, 3min

Eid Ellor, 1995

Das gelbe Unterwasserboot / Yellow Submarine, 1994-96, 39min

Revolution,1997, 3min

Schaff dir nie ein Auto an / Never Get a Car, 1998-99, 3 min

Disco Underwater, 1999, clip en Super 8 pour le groupe "SURF"

Die Glatze 2000 / The Baldhead 2000, 2000, 1min

2000 Jahre Weihnachten / 2000 Years of Christmas, 2000

Die Ballade von Struppi / The Ballad of Struppi, 2001

Lass es sein / Let it Be, 2002, co-réalisé avec Udo Sell

Kaufen Sie Blumen / Buy Flowers, 2003

Die Ballade von John & Yoko / The Ballad of John & Yoko, 2004, 3min

San Francisco, 2007, 3min

L.A., 2007, 2min

Arbeitssuche / Looking for a Job, 2014, 6min

Euro und Becher / Euro and Mug, 2014, 3min

Parkbank / The Park Bench, 2015, 4min



films
en tant qu’acteur

Ein normales Leben / Lead a Normal Life, Georg Maas, 1987, 14min
Die Sonne kommt / Here Comes the Sun, Georg Maas, 1988, 22min
Mitte Mai / May Myth, Matl Findel, 1994, 5min 
U 3000, von Christoph Schlingensief, 2001, émission TV en huit parties
Der Animatograph,Christoph Schlingensief, 2005, installation vidéo
Wenn im Knast die Knochen knacken / When the Bones Crack in Jail, Maurice Taube, Christoph Bennewitz, 2006, 88 min
Fremdverstümmelung / Foreign Mutilation,Christoph Schlingensief, 2007, 30min
The African Twin TowersChristoph Schlingensief, 2008, 79min, aussi présenté sous forme d’installation vidéo
Shaolin Affen / Shaolin Monkeys, Joerg Buttergeit, 2011, 3min


disques

Beyer Singt Lennon, 1988, EP, auto-édité, cassette / Beyer Singt John Lennon, 2017, Amsel Records, EP, CD-R
Beyer Demo ‘82-’95, 1995, auto-édité, cassette / Die Fanklubplatte, 1995, Amsel Records, Videodrom, CD
Free as a Bird, 1996, Amsel Records, single, cassette
Klaus Beyer Sings The Beatles, 1997, n.UR-Kult Releases, Swamp Room Records, EP, vinyle 7’’
Die Glatze, 1999, n.UR-Kult Releases, mini CD
Mit Den Beatles, 1999, Amsel Records, CD-R
Dutschke & Xenon, 2000, Amsel Records, CD-R
Musikkassette / Easter Parade / Kumpelnest,2000, Amsel Records, CD-R
Klaus Beyer Im Radio, 2000, Amsel Records, CD-R
Lass Es Sein, 2000, Amsel Records, CD-R
Gummi Seele, 2001, Amsel Records, CD-R
Hauptmann Pfeffers Einsamer Herzenklub, 2001, Staalplaat, mini CD
Hauptmann Peppers Einsamer Herzen Klub, 2002, Amsel Records, CD-R
Rätselhaft Magische Tour, 2003, Amsel Records, CD-R
For Fans Only, 2003, Amsel Records, CD-R
Das System Klaus Beyer, 2003, Amsel Records, CD-R
Klaus Beyer Im Radio Vol II, 2003, Amsel Records, CD-R
Ein Harter Tag, 2004, Amsel Records, CD-R
Helft !, 2005, Amsel Records, CD-R
Das Gelbe Unterwasserboot, 2006, Amsel Records, CD-R
Revolver,2007, Amsel Records, CD-R
Beatles Zum Verfauf, 2008, Amsel Records, CD-R
Kloster Strasse, 2009, Amsel Records, CD-R
Klaus Beyer Im Radio Vol. III, 2009, Amsel Records, CD-R
Gefall Mir, 2010, Amsel Records, CD-R
Das Weisse Album, 2011, Amsel Records, CD-R
Klaus Beyer Covers Osaka Popstar, 2011, EP, Misfits Records, vinyle 7’’
Hey Jude, 2012, Amsel Records, CD-R
Unvergessliche Jahre, 2014, Amsel Records, CD-R
Vergange Beatles Stücke, 2020, Amsel Records, CD-R














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site officiel




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chaîne youtube




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entretiens et articles

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bibliographie

Das grosse Klaus Beyer Beatles Buch : Der Narr auf den Höhen / The Big Klaus Beyer Beatles Book: The Fool on the Hill, Frank Benkhe (ed.), Martin Schmitz Verlag, 1995

Das System Klaus Beyer, Frank Benkhe, Martin Schmitz Verlag, 2003

Ich Spiele Lotto / I Play Lotto,livre d’artiste de Klaus Beyer édité en 10 exemplaires, Hybriden-Verlag, 2004




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documentaires
 

Das andere Universum des Klaus Beyer,Frank Behnke, Georg Maas, 1994, 29min

Hauptman Peppers Einsamer Herzenclub / Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, Annika Sieffert, Nico Schlegel, 2000, 13min

Klaus Beyer in Hollywood, 2003, Frank Behnke, 1min

Erdbeerfelder für immer / Strawberry Fields Forever, 2010, Holger Hahn, Inga Kaiser, Sandra Röseler, 29min

The May King of Shaolin Affen, 2011, Frank Behnke, 3min

Klaus Beyer in San Francisco, 2003-2012, Frank Behnke, 5min





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